Troc dans l'histoire
L'apparition de l'agriculture et de l'élevage au néolithique entraine un besoin évident de d'écouler liquider les stocks. Les producteurs, chasseurs, pêcheurs, artisans... s'entendent pour établir une base d'échanges selon un principe de troc. L'échange se socialise et chacun y trouve son intérêt. On peut déjà constater que le village représente une cellule économique d'échanges. Chacun y joue son rôle et enrichit la sphère des transactions. Quatre vingt quinze pourcents de la consommation est alimentaire, les produits sont simples et les besoins limités. Dans cet esprit les échanges locaux peuvent auto satisfaire les besoins de chacun au village, du moins durant un certain temps et pour une grande partie de la consommation.
Les besoins croissants de matériaux et d'outils sophistiqués entrainent très rapidement une demande qu'il convient de combler par les prémices de ce que nous appelons aujourd'hui l'import-export. C'est ainsi que des réseaux parfois complexes s'établissent. Pour preuve, la roche volcanique l'obsidienne, qui était utilisée sur l'île de Chypre venait d'un volcan d'Anatolie ou encore le silex jaune de Touraine qui était utilisé en Suisse. Les échanges prennent alors de l'ampleur et s'organisent. Le troc devient un puissant moyen économique pour régler les échanges entre les parties. L'histoire nous apprend que tout peut se troquer, pour preuve Laërte céda vingt bœufs pour avoir Euryclée, sa gouvernante, celle qui éduquera son fils Ulysse et sa fille Ctimène.
La notion de troc est un moment capital dans l'histoire du commerce, car elle marque le point de départ d'une relation bilatérale basée sur le consensus entre les acteurs économiques. Lorsque les individus devaient bomber le torse ou employer la hache munie du silex pour obtenir la production du voisin, ils ne faisaient appel qu'à leur seule volonté. Aucune relation aux autres n'intervenait. Le seul désir du demandeur était le moteur de l'acte final. L'avènement du troc est un tournant important, car il fait intervenir de multiples acteurs dans l'opération. Lorsque notre lointain ancêtre décide une opération de troc avec son voisin, avant de conclure une quelconque entente, les négociations doivent porter sur la valeur du quintal d’auroch. Comment établir une valeur de troc dans un marché sans valeur ? La réponse est simple : on crée le marché ! C'est ainsi que les opérations de trocs ont immanquablement dûs'adosser à une valeur d'usage et un marché s'est peu à peu institué. Ce terme aujourd'hui incontournable, qui gouverne désormais le monde « capital » vient du latin capita, en référence à la tête de bétail qui servait de valeur dans les échanges entre les parties.
On peut d'ailleurs penser que les opérations commerciales de l'époque ne donnaient pas systématiquement lieu à la réception à domicile d'un troupeau de bœufs pour chaque opération commerciale, sinon nous pouvons plaindre la cruauté de traitement des esclaves porteurs du très imposant porte-monnaie. Il est certainement plus judicieux d'imaginer que la valeur «per capita » n'a été qu'un étalon permettant ainsi de donner une référence tangible aux échanges de l'époque.
Tout cela nous conduit à constater que l'homo commercialis n'a eu de cesse de rechercher au cours des âges de nouveaux moyens, de plus en plus fluides et légers, pour assurer la liberté de ses transactions commerciales.
Avant de reprendre notre route sur cette brève histoire de l'économie, il est intéressant de rappeler que le troc est consacré par notre droit civil français. Napoléon Bonaparte à été fidèle à son homologue Justinien en énonçant dans l'article 1702 du Code civil que : « L'échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. » Il scellait ainsi définitivement la notion de troc sous le vocable plus respectable d'échange. Mais si on décortique cette notion d'échange, n'est elle pas tout simplement une vente réciproque entre deux acteurs sans passer par l'usage de la monnaie ?